mercredi, 10 janvier 2007
Concarneau
© Jacques Deslandes - texte déposé à la sacem
Ce poème, c'est à ma mère Guite que je le dédie
Je suis un slave breton qui plante ses racines
Là où la ville a rendez-vous avec la mer
Dans un pays salé où des vagues lubriques
Mordent les pieds des roches en dessinant des criques
Où mes enfants se baignent aussitôt qu’il fait chaud.
Je suis un immigré face à la grande usine
Là où la vie fabrique la vie sans renoncement
Sous une place forte, close de pierres de taille
De ciment de Russie, de sable maculé
Que les hommes ratissent aux abords de l’été
Honteux du chancre noir suppuré des bateaux …
Concarneau, Concarneau
Ma ville où mes enfants sont plus beaux qu’un poème.
Il me fallait la mer pour mon orphelinat
Son spectacle irréel de vie obligatoire
Dont le râle de l’eau n’est jamais arbitraire
Ni le cri des oiseaux, dans ce monde insulaire
Où je pressens que la mort même pourrait mourir.
Il me fallait la mer étendue devant moi
Dans son linceul pisseux quand l’écume s’en mêle
Et rester là figé, longtemps planté devant,
Bête de désespoir, follement indécent,
Attendant, impudique, un miracle à venir …
Concarneau, Concarneau
Le miracle d’un port où voyager à terre
Qui garde des secrets à portée de ma vue
Quand le ciel sous la mer soulevant l’archipel
Ressuscite les îles qu’il nous cachait sous elle
Comme la mort nous cache ceux qu’on n'espère plus.
Le miracle d’un port où jouer à père et mère
En copiant des autres leur façon d’oublier
Dans ces bars familiaux où le temps lâche prise
Où l’on est vieux garçon dont les yeux s’alcoolisent
Qui rentre chez sa femme honteux et dérouté.
Concarneau, Concarneau
Ma ville où mes enfants sont plus beaux qu’un poème.
Oh ! Me défaire pour eux du strip-tease d’écrire
Ou savoir me cacher sous les mots qui me forcent
Désendiguer en moi tous ces cris des poètes
Comme des goélands à l’assaut de ma tête
Pour leur dire simplement que j’aimais bien rêver.
Oh ! Prendre enfin le temps de vivre une autre vie
Au milieu de ces gens ni meilleurs ni pires
Peut-être un peu plus fiers que je ne sais le dire
Imprudents vieux garçons à l’ombre de leur ville
Sous le regard vicieux de Korrigans débiles …
Pour suivre mes deux garçons qui jouent à «tu es mort !»
Concarneau, Concarneau
Ma ville où mes enfants sont plus beaux qu’un poème.
19:25 Publié dans Les Mots que je te dis ... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, chanson, auteur, poète, diseur de poème, mer, concarneau, guite des korrigans | | Facebook | | | Imprimer | |