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mercredi, 19 juillet 2006

L'étranger

de Charles Beaudelaire

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? 
Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère !
Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.

Tes amis?
Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.

Ta patrie ?
J'ignore sous quelle latitude elle est située.

La beauté?
Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.

L'or ?
Je le hais comme vous haissez Dieu.

Eh ! Qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
J'aime les nuages ... les nuages qui passent ... là-bas ... les merveilleux nuages !

medium_La_condition_humaine.jpg

Et pour suivre "l'invitation au voyage" de Beaudelaire , voici un excellent site qui lui rend hommage.

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lundi, 17 juillet 2006

Capitaine au long cours

© Jacques Deslandes - texte déposé à la sacem


podcast

Capitaine au long cours
Je sais toutes les mers
Je sais les océans
Et le rire des vents

Capitaine au long cours
J’ai une vie d’enfer
Et toujours je repars
Dans un foutu brouillard

Capitaine au long cours
Dès que la mer m’appelle
Je hisse la passerelle
Et je pars droit devant

Capitaine au long cours
Quand la mer se retire
C’est comme un souvenir
Que chantent les haubans :

Aventurier, c’est pas une existence
Partir, pour ne plus revenir
Aventurier, c’est un rêve d’enfance
Que tu n’as pas su retenir

Dans l’eau- du ca-niveau
Je po-sais mon - bateau
Mon ba-teau en - papier
En pa-pier qua-drillé
J’enle-vais mes- galoches
Je po-sais ma- sacoche
Et les- deux pieds- dans l’eau
Je sui-vais mon-bateau ! …


Capitaine au long cours
Je sais toutes les filles
Je sais toutes les putains
Et même des filles très bien

Capitaine au long cours
J’ai tant roulé ma bille
Que j’ai fait des enfants
Sur tous les continents

Capitaine au long cours
Dès que l’amour m’appelle
Je largue la passerelle
Et je prends du bon temps

Capitaine au long cours
Quand l’amour m’ensommeille
Je repense à la vieille
Qui me disait souvent :

Aventurier, c’est pas une existence
Une fille dans chaque port
Aventurier, c’est un amour d’enfance
Qui t’aura fait perdre le nord.

Dans l’eau - du ca-niveau
Je po-sais mon- bateau
Mon ba-teau en - papier
En pa-pier qua-drillé
J’enle-vais ses- galoches
Je po-sais sa- sacoche
Et les- deux pieds- dans l’eau
Elle sui-vait mon-bateau ! …


Capitaine au long cours
Je viens de jeter l’ancre
C’est pas que j’étais âgé
Mais j’étais fatigué

Capitaine au long cours
Il fallait que je rentre
Que je change de décor
De ma chasse au trésor

Capitaine au long cours
J’ai marié une belle
Et dans l’eau de la vaisselle
Noyé tous mes amours …

Capitaine au long cours
Mes croisières aujourd’hui
C’est ce bar des amis
Où je naufrage mes jours :

Aventurier, c’est pas une existence
Mais il ne faut pas revenir
Aventurier, c’est une seconde enfance
Qui ne devrait jamais finir ! …

Dans l’eau- du ca-niveau
Je po-se plus mon-bateau
Mon ba-teau en pa-pier
En pa-pier qua-drillé
J’enlève- plus mes- galoches
Je pose- plus ma- sacoche
Et les- pieds bien- au chaud
J’attends- d’me foutre à l'eau
- à l’eau !

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dimanche, 16 juillet 2006

Il faut nous aimer sur Terre

Voici un texte méconnu de Paul Fort que sa femme, Germaine Tourangelle, m'a raconté avoir retrouvé sur un petit bout de papier en fouillant des piles d'autres documents ...
Voilà à quoi tient souvent le passage à la postérité de l'inspiration du poète : avoir l'instinct de griffonner les vers qui s'invitent sans prévenir dans sa tête et à une femme qui garde tout précieusement ...

Paul Fort (1872-1960), Prince des Poètes

medium_photo_018.3.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

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lundi, 03 juillet 2006

Rideau

© Jacques Deslandes - texte déposé à la sacem

Imagine que la vie soit comme une pièce de théâtre,
9 mois plus tôt, on frappe les 3 coups.
Et 9 mois plus tard ...
 


Pour ce tout petit frère

Que le hasard nous donne

Qui déchire sa mère

Au premier cri de l’homme

Rideau !

Pour cet étrange nain

Qui t’éveille la nuit

Et qui serre les poings

Et s’accroche à la vie

Rideau !

Pour ce curieux démon

Qui fréquente les fées

Et fait de ta maison

La maison d’un sorcier

Rideau ! Rideau ! Rideau ! 


Pour ce poète-roi

Qui invente des mots

En effaçant du doigt

La buée des carreaux

Rideau !

Pour cet adolescent

Qui rêve à la ronde

Qu’un jour il sera grand

Et refera le monde

Rideau !

Pour cette fille qui sourit

Sans préméditation

Et jette l’incendie

Dans le corps du garçon

Rideau ! Rideau ! Rideau ! 


Pour son premier baiser

Obtenu au chantage

Quand deux mains affolées

Dansent sur un corsage

Rideau !

Pour le premier matin

Qu’il se réveille deux

Pour le premier matin

Qu’on l’appelle «Monsieur»

Rideau !

Et pour la grande fête

Des jours renouvelés

Pour la joie satisfaite

De s’être mérités

Rideau ! Rideau ! Rideau ! 


Sur le flux des années

Qui passent et le bousculent

Et qui vont l’entraîner

Jusqu’à son crépuscule

Rideau !

Sur le fuite des jours

Qui tarit ses ivresses

Et tricote à l’amour

Son châle de tendresse

Rideau !

Sur la grève où soudain

Il se sent échoué

Avec au creux des reins

La rouille des années

Rideau ! Rideau ! Rideau ! 


Sur ce froid qui le glace

Et lui siffle la nuit

«Dieu comme le temps passe

Et comme tu as vieilli»

Rideau !

Sur cette main qui tremble

Quand il veut caresser

Ce gosse qui lui ressemble

Et l’appelle «Pépé»

Rideau !

Sur cette voix qui lui crie

Je ne veux pas mourir

On ne m’a pas tout dit

Je veux encore vieillir

Rideau ! Rideau ! Rideau !


Sur ce carré de terre

Où s’arrête le temps

Le temps d’une prière

Et d’un Saint-Sacrement

Rideau !

Sur ce carré de terre

Où sa vie n’est plus rien

Qu’une étrange chimère

Enfouie dans son écrin

Rideau !

Sur ce carré de terre

Homme où tu n’es plus rien

Qu’un nom sur une pierre

Qui nous dit « A demain »

Rideau ! Rideau ! Rideau !   

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mercredi, 10 mai 2006

Pour égayer ma maison

De Marcel Rioutord 
 
Pour égayer ma maison
J'ai voulu y mettre des fleurs
Mais les fleurs ont baissé la tête
Et puis elles se sont fânées
Alors j'y ai mis des oiseaux
Mais les oiseaux ont baissé la tête
Et puis ils se sont tus
Alors ...
J'y ai mis une femme
Et depuis ?...
Depuis c'est moi qui baisse la tête                                          

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mardi, 28 mars 2006

Trahison

© Jacques Deslandes - texte déposé à la sacem

Quand tu trahis ton ami,
C’est que déjà
Tu es devenu
Ton propre ennemi.

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samedi, 11 mars 2006

Tu n’emporteras rien avec toi

De Pierre Béarn (1990)

Homme,
qui que tu sois
tu n’emporteras rien
avec toi.

Homme inhumain par habitude
ou par conviction,
Abel façonné par la vie
en Caïn pour les carnages,
quand donc jetteras-tu
tes masques de peinturlures
tes lauriers de prédateur ?

Tu n’emporteras rien
avec toi

Rien n’était urgent dans la vie
mais tu fus toujours pressé d’écraser
quiconque se mouvait dans d’autres couleurs.

Couleurs de peau, couleurs d’idées,
couleurs de tous les drapeaux coupables,
couleur des uniformes truqués.

Tu n’emporteras rien
avec toi

Iraniens, Irakiens, qu’espérez-vous
sur vos champs puants de pétrole ?
Israéliens, Palestiniens,
n’étiez-vous pas du même sang ?

Et vous mes Africains,
mes rois nègres, mes nomades
des sables quadrillés par les Blancs
pourquoi jaillir en ennemis
hors du feu chantant de vos danses ?
Vous n’emporterez rien
avec vous.

O mes peaux Rouges de l’enfance
mes Arméniens de la vengeance,
peuples bafoués et méprisés
et vous ! coffres-forts de l’aisance
vous n’emporterez rien
avec vous.

Est et Ouest dressés
en face à face dérisoire
où donc prenez-vous vos points cardinaux ?

Vous n’emporterez rien
avec vous.

Policiers et soldats victimes
des voix de l’anonymat,
peuples mal soumis des usines
et vous, mes clochards de la vie
vous n’emporterez rien avec vous.

Hommes déchirés de races
et de convictions ennemis,
Hommes drogués, saoulés d’argent
dans la fermentation des convoitises,
qui donc pourrait vous pardonner
dans l’au-delà ?

Vous n’emportrez rien
avec vous.

Que tu sois né du Christ ou de Lénine
de Mahomet ou de Bouddha
ou d’un ventre mal défini
tu n’emporteras rien
avec toi.

Voir aussi un autre extrait de ses textes "L'hymne à la bête" qu'il a eu la gentillesse de me dédicacer.

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vendredi, 10 mars 2006

Le courant d'air

Un très curieux petit poème peu connu de René de Obaldia                                                                                                                                                                                                                               
                                                                                                                                                                - - Maman, Maman viens voir
Maman le canari tombé de son perchoir
Avec un oeil tout gris
et le bec rabougri
et les pattes raidies
tout drôle sans un cri
Vite Maman vite
t'as pas de l'eau bénite
mets ta main il est froid
tout froid dans sa queue de pie
Maman qu'est-ce que tu crois?
- Il est mort mon petit
Je ne peux rien pour lui
C'est comme ta grand-mère
il est monté tout droit au paradis
- D'abord grand-mère est en enfer!
- Hector! ne prononce pas des paroles impies
- Mais comment il est mort Maman
Comment?
- Je ne sais pas, un courant d'air probablement
- Un courant d'air?
Et qu'est ce que ça veut dire la mort
C'est pour rire dis Maman, c'est pour rire
- C'est pour rire, c'est pour rire
Tu ne vas pas pleurer
Mon petit homme, mon petit trois pommes
Mon petit ange, mon petit frisé ...
- Vite Maman, ferme les fenêtres
Il ne faut pas que l'air pénètre
Ferme les portes, les vasistas
Ne laisse pas rentrer le vent
Autrement toi aussi tu vas tomber morte
Sans plus jamais parler
Jamais plus t'envoler
Le bec soudain cloué, les ailes au-dedans
Et pour combien de temps dis Maman
POUR COMBIEN DE TEMPS

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samedi, 12 novembre 2005

Aux fils des mères encore vivantes ...

Voici la conclusion du LIVRE DE MA MERE d'Albert Cohen. Merveilleux petit livre qu'il faut je crois avoir lu un jour dans sa vie.             
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Fils des mères encore vivantes,
n'oubliez plus que vos mères sont mortelles.
Je n'aurais pas écrit en vain,
si l'un de vous, après avoir lu mon chant de mort,
est plus doux avec sa mère, un soir,
à cause de moi et de ma mère.
Aimez-la mieux que je n'ai su aimer ma mère
Que chaque jour vous lui apportiez une joie,
c'est ce que je vous dis du droit de mon regret,
gravement du haut de mon deuil.
Ces paroles que je vous adresse, fils des mères encore vivantes,
sont les seules condoléances qu'à moi-même je puisse m'offrir.
Pendant qu'il est temps, fils,
pendant qu'elle est encore là
Hâtez-vous,
car bientôt l'immobilité sera sur sa face
imperceptiblement souriante,
virginalement.
Mais je vous connais,
et rien ne vous ôtera à votre folle indifférence
aussi longtemps que vos mères seront vivantes.
Aucun fils ne sait vraiment que sa mère mourra
et tous les fils se fâchent et s'impatientent contre leur mère,
les fous si tôt punis.

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mardi, 13 septembre 2005

Le métier de mère

Voici un magnifique poème du poète vietnamien Che Lan Vien. Poème écrit en 1966 et que pendant plus de 10 ans, j’ai dit à quelques milliers d’enfants européens à l’occasion de conférences.
 
Hélas, ce poème est peu connu … Pourtant, son titre est magnifique et d’une extraordinaire actualité- mais c’est bien ça précisément la force de la poésie, celle d’être immortelle-, le poème s’appelle « Le métier de mère ».

 

 LE METIER DE MERE      de Che Lan Vien
 
Chez nous, le métier de mère est difficile.
 
Il est d’autres pays où les mères
enseignent à leurs enfants l’amour des fleurs …
Chez nous, il nous faut d’abord leur apprendre
comment on évite les bombes …
 
Il est d’autres pays               
où les mères enseignent à leurs enfants à reconnaître
les sons de la musique et le chant des oiseaux …
 
Ici, il faut leur enseigner la différence entre le grondement
d’un B.52 et celui d’un F.105.
 
Sainte Vierge qui tenez votre enfant dans vos bras depuis 1966 années
Savez-vous que pendant des mois dans mon pays
les mères du Vietnam dorment loin de leur fils ?
 
Il est des temps où les mères
enseignent à leurs enfants le métier d’homme.
 
Il est des temps où il faut faire plus.
Il faut leur apprendre à devenir des héros.

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vendredi, 15 avril 2005

Les oiseaux de passage

de Jean RICHEPIN (1849-1926)

C'est une cour carrée et qui n'a rien d'étrange :
Sur les flancs, l'écurie et l'étable au toit bas ;
Ici près, la maison ; là-bas, au fond, la grange
Sous son chapeau de chaume et sa jupe en plâtras.

Le bac, où les chevaux au retour viendront boire,
Dans sa berge de bois est immobile et dort.
Tout plaqué de soleil, le purin à l'eau noire
Luit le long du fumier gras et pailleté d'or.

Loin de l'endroit humide où gît la couche grasse,
Au milieu de la cour, où le crottin plus sec
Riche de grains d'avoine en poussière s'entasse,
La poule l'éparpille à coups d'ongle et de bec.

Plus haut, entre les deux brancards d'une charrette,
Un gros coq satisfait, gavé d'aise, assoupi,
Hérissé, l'œil mi-clos recouvert par la crête,
Ainsi qu'une couveuse en boule est accroupi.

Des canards hébétés voguent, l'oeil en extase.
On dirait des rêveurs, quand, soudain s'arrêtant,
Pour chercher leur pâture au plus vert de la vase
Ils crèvent d'un plongeon les moires de l'étang.

Sur le faîte du toit, dont les grises ardoises
Montrent dans le soleil leurs écailles d'argent,
Des pigeons violets aux reflets de turquoises
De roucoulements sourds gonflent leur col changeant.

Leur ventre bien lustré, dont la plume est plus sombre,
Fait tantôt de l'ébène et tantôt de l'émail,
Et leurs pattes, qui sont rouges parmi cette ombre,
Semblent sur du velours des branches de corail.

Au bout du clos, bien loin, on voit paître les oies,
Et vaguer les dindons noirs comme des huissiers.
Oh ! qui pourra chanter vos bonheurs et vos joies,
Rentiers, faiseurs de lards, philistins, épiciers ?

Oh ! vie heureuse des bourgeois ! Qu'avril bourgeonne
Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents.
Ce pigeon est aimé trois jours par sa pigeonne ;
Ca lui suffit, il sait que l'amour n'a qu'un temps.

Ce dindon a toujours béni sa destinée.
Et quand vient le moment de mourir il faut voir
Cette jeune oie en pleurs : " C'est là que je suis née ;
Je meurs près de ma mère et j'ai fait mon devoir. "

Elle a fait son devoir ! C'est à dire que oncque
Elle n'eut de souhait impossible, elle n'eut
Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs sur un fleuve inconnu.

Elle ne sentit pas lui courir sous la plume
De ces grands souffles fous qu'on a dans le sommeil,
pour aller voir la nuit comment le ciel s'allume
Et mourir au matin sur le coeur du soleil.

Et tous sont ainsi faits ! Vivre la même vie
Toujours pour ces gens-là cela n'est point hideux
Ce canard n'a qu'un bec, et n'eut jamais envie
Ou de n'en plus avoir ou bien d'en avoir deux.

Aussi, comme leur vie est douce, bonne et grasse !
Qu'ils sont patriarcaux, béats, vermillonnés,
Cinq pour cent ! Quel bonheur de dormir dans sa crasse,
De ne pas voir plus loin que le bout de son nez !

N'avoir aucun besoin de baiser sur les lèvres,
Et, loin des songes vains, loin des soucis cuisants,
Posséder pour tout cœur un viscère sans fièvres,
Un coucou régulier et garanti dix ans !

Oh ! les gens bienheureux !... Tout à coup, dans l'espace,
Si haut qu'il semble aller lentement, un grand vol
En forme de triangle arrive, plane et passe.
Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol !

Les pigeons, le bec droit, poussent un cri de flûte
Qui brise les soupirs de leur col redressé,
Et sautent dans le vide avec une culbute.
Les dindons d'une voix tremblotante ont gloussé.

Les poules picorant ont relevé la tête.
Le coq, droit sur l'ergot, les deux ailes pendant,
Clignant de l'œil en l'air et secouant la crête,
Vers les hauts pèlerins pousse un appel strident.

Qu'est-ce que vous avez, bourgeois ? soyez donc calmes.
Pourquoi les appeler, sot ? Ils n'entendront pas.
Et d'ailleurs, eux qui vont vers le pays des palmes,
Crois-tu que ton fumier ait pour eux des appas ?

Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages.
Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts,
Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages.
L'air qu'ils boivent feraient éclater vos poumons.

Regardez-les ! Avant d'atteindre sa chimère,
Plus d'un, l'aile rompue et du sang plein les yeux,
Mourra. Ces pauvres gens ont aussi femme et mère,
Et savent les aimer aussi bien que vous, mieux.

Pour choyer cette femme et nourrir cette mère,
Ils pouvaient devenir volaille comme vous.
Mais ils sont avant tout les fils de la chimère,
Des assoiffés d'azur, des poètes, des fous.

Ils sont maigres, meurtris, las, harassés. Qu'importe !
Là-haut chante pour eux un mystère profond.
A l'haleine du vent inconnu qui les porte
Ils ont ouvert sans peur leurs deux ailes. Ils vont.

La bise contre leur poitrail siffle avec rage.
L'averse les inonde et pèse sur leur dos.
Eux, dévorent l'abîme et chevauchent l'orage.
Ils vont, loin de la terre, au dessus des badauds.

Ils vont, par l'étendue ample, rois de l'espace.
Là-bas, ils trouveront de l'amour, du nouveau.
Là-bas, un bon soleil chauffera leur carcasse
Et fera se gonfler leur cœur et leur cerveau.

Là-bas, c'est le pays de l'étrange et du rêve,
C'est l'horizon perdu par delà les sommets,
C'est le bleu paradis, c'est la lointaine grève
Où votre espoir banal n'abordera jamais.

Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante !
Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu'eux.
Et le peu qui viendra d'eux à vous, c'est leur fiente.
Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.


Jean RICHEPIN (1849-1926) (Recueil : La chanson des gueux)

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jeudi, 24 février 2005

Archives du Poète

Jacques Deslandes est membre de la Société des Poètes Français et de la Sacem à titre d'auteur-compositeur depuis 1978.

Vous trouverez ci-après des témoignages et autres dédicaces d'auteurs célèbres (dont Hervé Bazin, Armand Lanoux, Pierre Béarn, ...) ainsi que plusieurs articles de presse consacrés à Jacques Deslandes pour sa poésie sous forme de diaporama.


Pour mieux les consulter, vous pouvez également cliquer sur l'icône Archives du Poète dans la rubrique albums Photos.

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